Voici une petite introduction à une introduction à la permaculture en forme de fable :
Si vous voulez construire un bateau, ne rassemblez pas des personnes pour collecter du bois et ne leur donnez pas des directives et du travail; mais apprenez leur plutôt à se languir de l’immensité infinie de la mer — Anon
À l’énoncé des différentes crises présentes et à venir, on aimerait bien quitter la galère sur laquelle nous sommes engagés, pour commencer à construire une arche capable de sauver ce qui peut l’être encore.
Voici une courte fable, celle de trois frères des temps anciens. Ces frères voulaient explorer le monde de l’autre côté de l’océan, qui s’étendait majestueusement sous leurs yeux depuis qu’ils étaient nés, et qui avait fasciné tous leurs ancêtres avant eux.
L’ainé des trois frères voulu découvrir un monde que nul autre n’avait vu avant lui. Il construisit une immense galère, captura des dizaines d’esclaves et parti face au vent. Le deuxième des frères assembla un radeau et se laissa pousser et guider par les vagues. Le troisième construisit un bateau à voiles. Il navigua à la force des vents et s’orienta à l’aide du gouvernail qu’il avait construit.
Derrière cette fable se cache trois modèles de sociétés complètement différents :
La galère de l’ainé des trois frères peut être vue comme notre société occidentale industrielle. Nous ramons à contre-courant, gaspillant énormément d’énergie et de ressources pour lutter contre les processus naturels. Les esclaves de la galère, ce sont nos fabuleuses sources d’énergie (les hydrocarbures) qui décuplent nos possibilités depuis à peine deux siècles, mais ce sont également nous-mêmes, rouages d’un système vide de sens. Mais les esclaves ne pourront pas ramer indéfiniment, et la galère, comme notre société, devra tôt ou tard faire face à l’inéluctabilité des forces naturelles, et retrouver une certaine humilité. Si l’on adapte la métaphore non plus à une société, mais à des pratiques agricoles, la galère représente notre agriculture productiviste, qui détruit tous les processus naturels pour les remplacer par de coûteux apports énergétiques (engrais, pesticides, irrigations …).
Le second frère, à l’opposé, a décidé de se laisser totalement porter par le vent. Il utilise au maximum l’énergie disponible, mais est en contrepartie complètement tributaire des éléments. On peut faire le parallèle avec les sociétés de chasseurs-cueilleurs qui se nourrissent exclusivement de produits sauvages. Contrairement à l’imaginaire habituel, de telles sociétés n’étaient pas misérables, et ne connaissaient pas la famine car leur alimentation était variée. Cependant ce mode de vie avait également ses contraintes : les personnes devaient se déplacer en quête de nourriture (nomadisme) et la densité et la taille de la population était limitée. Ces facteurs n’ont pas permis l’émergence de certaines caractéristiques des civilisations complexes bâties sur l’agriculture et l’élevage, comme l’écriture, la spécialisation, etc. Dans le domaine agricole, le radeau du second frère correspond dans nos régions tempérées à une forêt. C’est un système très productif et stable, mais dont la production est peu influencée par l’Homme, qui doit s’y adapter.
Le dernier frère, enfin, a utilisé les forces naturelles des vents pour naviguer. En ce sens son approche ressemble beaucoup plus au second frère qu’à l’ainé. Cependant, grâce à son gouvernail, il peut utiliser la force du vent pour s’orienter à son gré (du moment qu’il ne va pas à contre courant). Cette approche est celle d’une société permaculturelle. Dans une telle société, les forces naturelles sont utilisées de manière cohérente pour servir les Hommes, sans asservir la Nature. De la même manière que le dernier frère pourra explorer rapidement la direction qu’il aura choisie, la permaculture permet une société d’abondance en cohérence avec la Nature. Un système agricole permaculturel pourrait être, en analogie à la forêt décrite précédemment, une lisière de fôret comestible. Ce système mime une bordure de forêt, ou tous les arbres et les plantes occupent des étages différents (de la canopée aux tubercules) pour capter le soleil, et ou chaque élément est sélectionné pour ses productions (nourriture, bois, fibres …).
Le permaculture est autant la terre fertile et abondante recherchée par nos trois apprentis explorateurs, que la manière qu’ils mettent en oeuvre pour la découvrir. C’est pourquoi la permaculture est aussi bien une société basée sur une certaine éthique (le respect de la Nature, le respect des humains, et le juste partage de l’abondance créée) que les techniques permettant l’émergence d’une telle société (pratiques agricoles, techniques de construction, organisation des communautés, etc.).