
Vision d'une transition
J’aborde souvent la permaculture sous l’angle agricole et/ou personnel, c’est à dire de chercher une manière soutenable de vivre sur un terrain.
Aujourd’hui, j’explore un peu plus d’autres pétales de la fleur permaculturelle. Un point moins exploré de la permaculture est la manière d’organiser collectivement des sociétés pour les rendre soutenables. Cela provient sûrement du contexte dans lequel a émergé la permaculture, qui est le contexte rural de l’Australie, où les terrains sont largement accessibles. Or le modèle de développement historique de la «vieille» Europe a produit des villes très denses, contrairement aux banlieues américaines par exemple.
Il n’est donc pas étonnant que ce soit d’Angleterre qu’ait émergé le concept des villes en transition (Transition Towns). Les villes en transition (VeT) sont une application de la permaculture aux villes (voir à des quartiers, des régions, …), dans le but de rendre ces dernières résilientes en vue des deux défis majeurs auxquels sera confronté l’humanité, qui sont la descente énergétique et le dérèglement climatique.
Les initiatives de VeT innovent sur plusieurs points, selon moi :
- Elles prennent en compte la double crise, et permettent donc de chercher des solutions réalistes. Le fait de transformer du gaz naturel et du charbon en pétrole aggravera le problème du dérèglement climatique; et les solutions à ce dernier doivent prendre en compte le futur contexte de descente énergétique, qui limitera les grosses mise en oeuvres technologiques.
- Elles s’adressent aux communautés. Ce n’est ni une démarche personnelle, ni une démarche qui vise un changement orchestré par des élites politiques (via des réglementations). Les initiatives visent à faire prendre conscience aux gens de la non soutenabilité de notre mode de vie, et leur offrent la possibilité de changer les choses eux-mêmes, de manière collective et concertée. Ce n’est pas la démarche choisie par les organisations écologistes qui ont une action de lobbying sur les autorités.
- Elles offrent une vision. Les organisations écologistes traditionnelles sont passées maîtres dans l’art de nous dépeindre un présent et un futur noirs. Ils le sont, le but n’est pas de nier les catastrophes présentes et à venir. Mais le fait est que cela n’arrange rien, ce n’est pas parce que l’on sait que l’on agit (cf. les dépendances aux drogues dures), et un sentiment d’impuissance n’aide pas les gens à agir. L’intérêt des initiatives de VeT est qu’elles intègrent le côté psychologique du choc qu’est la révélation de la descente énergétique et de ses répercutions sur le monde que l’on connaît. Elles incluent également des visions de ce que pourrait être un futur plus souhaitable, si certaines décisions et actions sont effectuées dans un laps de temps déterminé. Elles tournent les crises en opportunités.
Les initiatives de transition se basent sur une suite d’étapes qui sont, de manière résumée, de constituer un groupe de pilotage de gens informés; de sensibiliser les gens aux conséquences des deux crises, par des projections par exemple; d’organiser un «grand déchaînement» ouvert au public dans lequel l’initiative sera officiellement lancée, créant une synergie avec la communauté; de former des groupes dédiés (alimentation, transport, etc.) indépendants; d’organiser des événements; de lancer une grande réappropriation des savoirs et des techniques; de définir un plan de descente énergétique basé sur les travaux des différentes groupes, et qui définit une vision de transition pour les années à venir.
Tout comme la permaculture, les initiatives de VeT sont malheureusement peu connues en France, mais cela commence à changer.
Un groupe de discussion s’est formé, qui coordonne des traductions de documents, notamment le guide des initiatives de transition. Un site francophone, dont le but est d’être le portail des initiatives de transition, a récemment été lancé. Il y a quelques mois, la revue silence a fait un dossier sur les VeT dans un de ces numéros. Une bonne introduction est disponible dans cet article qui présente le premier livre du mouvement, The Transition Handbook.