écologie

Organisation sociale des alternatives

Voici les formes d’organisation sociale de différents types d’alternatives qui nous sont proposées, que j’appellerai « associations (supra)nationales structurées », « actions individuelles », « organisations collectives réactives » et « organisations collectives inclusives ».

Associations (supra)nationales structurées

Les associations (supra)nationales structurées s’inscrivent dans un cadre d’organisation plus général que je nommerai « top-bottom », c’est à dire qui commence d’en haut pour se propager vers la base. L’emblème de ce type d’organisation est chez nous la démocratie représentative, où dans les faits les décisions viennent des élites (via la législation, les réglementations, la fiscalité, …) pour se répercuter sur le peuple. Ces associations ajoutent un autre maillon à cette chaîne, en servant d’organisations de lobbying auprès du gouvernement.

Dans les faits, une telle association (Greenpeace par exemple), lance des campagnes vers le grand public. Ce dernier est appelé à « participer » en donnant de l’argent ou en signant des pétitions. Greenpeace peut ensuite faire des actions de lobbying soit directement auprès du gouvernement, soit indirectement en sensibilisant le grand public avec des actions spectaculaires. Le but est que le gouvernement adopte certaines lois, pour faire changer le comportement de la société.

On voit dans ce cadre d’organisation que l’initiative ne vient jamais de la communauté et que les sollicitations de cette dernière se font surtout au niveau individuel (pétitions, lois). Ce n’est pas la communauté qui définit les projets.

Associations écologistes (type Greenpeace)

Associations (supra)nationales structurées (type Greenpeace)

Actions individuelles

Les actions individuelles se distinguent par le manque d’organisation sociale, puisque elles se déroulent au niveau atomique qu’est le niveau individuel. Elles peuvent être plus ou moins engageantes, qu’il s’agisse de petits gestes quotidiens comme éteindre les lumières et couper l’eau pendant le brossage des dents, à un profond changement de comportement comme la simplicité volontaire qui peut être également philosophique ou spirituel. Les actions individuelles concernent la sphère privée, mais la communauté étant composée d’individus, les comportements personnels peuvent influer sur la société (par exemple les choix de consommation influent sur l’offre).

Actions individuelles (type simplicité volontaire)

Actions individuelles (type simplicité volontaire)

Organisations collectives réactives

Les organisations collectives réactives sont des personnes de la communauté qui se rassemblent autour de divergences vis à vis du courant principal de la société. C’est par exemple le cas des collectifs décroissance constitués dans différentes villes. Il y existe souvent une dualisation de la société, avec d’un côté les personnes partageant les mêmes valeurs, les services publics, les écoles, les associations etc., et de l’autre le gouvernement et les entreprises, qui se basent sur un modèle politique et économique (capitalisme, libéralisme, croissance) combattu. Il en résulte une confrontation entre ces organisations et les structures dominantes, qui passent par des manifestations, des actions de désobéissance civile (déboulonneurs, inspections civiles de centrales nucléaires, …), des boycotts, etc., mais aussi d’actions visant à proposer des alternatives (AMAP, SEL, coopératives d’achats …). À cause de cette composante d’affrontement, ces collectifs ne rassemblent pas la partie de la communauté qui ne partage pas leur vision, car ils sont considérés trop radicaux ou extrémistes.

Organisations collectives réactives (type décroissance)

Organisations collectives réactives (type décroissance)

Organisations collectives inclusives

Les organisations collectives inclusives, dont le représentant emblématique est la mouvement des villes en transition, partagent avec les organisations réactives le fait de s’adresser aux communautés. Elles s’adressent à la communauté dans son ensemble, c’est à dire autant aux personnes, qu’aux entreprises, aux instances politiques, aux associations. Le but est que tout le monde participe et apporte sa pierre (sous forme de savoirs, de capitaux, d’infrastructures, etc.). Pour expliquer les différences entre ces deux types d’organisations collectives, on peut assimiler les réactives à de la boxe et les inclusives à de l’aïkido. Dans le premier sport, on utilise sa force pour se confronter à la force de l’autre (grèves, pétitions, etc.), dans le second, on utilise la force (les atouts) de l’autre en la canalisant vers une action positive. Cette vision est directement issue de la permaculture, qui préconise de ne pas se battre contre la nature, mais d’imiter ses structures et de canaliser la formidable force de la vie. Toute la difficulté est d’observer et de comprendre la psychologie de l’autre, de voir les atouts, et de trouver une façon de canaliser une énergie destructrice en actes positifs, même si l’on voudrait avant tout supprimer directement la nuisance. Une illustration de cette pensée, empruntée à Kristen, concerne le lobbying du secteur des agrocarburants. Plutôt que de lutter frontalement contre ce lobby puissant, ne pourrait-on pas canaliser sa force non plus vers une utilisation néfaste (produire du pétrole pour pouvoir le gaspiller dans des utilisations futiles) vers une utilisation augmentant la résilience (phyto-isolation avec du chanvre, par exemple) ? Cet exemple n’est pas forcément des plus pertinents à l’échelle des communautés, et évidemment il n’est pas miracle (puisqu’il ne s’attaque pas aux méthodes de production elles-mêmes), mais l’état d’esprit est réellement là.

Organisations collectives inclusives (type initiatives de transition)

Organisations collectives inclusives (type initiatives de transition)

Évidemment l’inclusion a aussi ses limites : que faire si un projet d’hypermarché voit le jour dans notre voisinage ? Ne faudrait t-il pas le combattre, au risque de créer une barrière avec les personnes qui sont pour le projet (élus politiques, agriculteurs, …) ? Le mouvement doit-il être à la fois inclusif et réactif ?

Susciter un enthousiasme général, dans lequel tout le monde pense pouvoir apporter sa pierre, telle semble être la clef du succès du mouvement en transition, mais les obstacles peuvent être nombreux, et inclure tout le monde nécessite beaucoup de finesse et de diplomatie, si tant est que l’inclusion puisse être totale.

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Éloge de la mauvaise herbe

Genêt scorpion

Genêt scorpion

L’été dernier, nous sommes allés camper dans un vieux mas construit par mon grand père, au milieu d’un terrain planté d’amandier et d’oliviers, laissés en repos depuis peut être une décennie. La majorité du terrain est envahie de ronces et de genêts scorpion (je ne suis pas très sûr). Quelques grands chênes ombragent le petit mas perdu au milieu d’une atmosphère étouffante de ces jours caniculaires d’août. Non loin du mas, quelques chênes pas plus hauts qu’un mètre sont perdus parmi la végétation épineuse des genêts.
Que pouvaient faire ces pauvres chênes chétifs face à la forêt de genêts qui dépassaient les 2m de hauteur ? La compétition pour la lumière et l’eau devait être terrible. N’écoutant que mon courage, j’ai entrepris de dégager les quelques chênes de ses envahisseurs. Avec un peu de recul, je me demande si j’ai bien fait.

Le genêt scorpion (Genista scorpius) fait partie de la famille des fabacées, il est donc un fixateur d’azote atmosphérique. Il pousse donc sur des sols pauvres qu’il améliore, au bénéfice du chêne. Ses épines le protègent des attaques des animaux, notamment des chèvres et des moutons, protection offerte au chêne qui pousse sous le couvert de ces épines. L’ombre qu’il apporte au chêne protège ce dernier des chauds étés du Midi.

Qui croit encore que le genêt est l’ennemi du chêne ?


Cette leçon, apprise à mes dépens (ou plutôt celui des chênes, j’espère qu’ils n’auront pas trop souffert de ma folie d’ingérence), illustre bien un des principes de la permaculture : comprendre avant d’agir. Une bonne compréhension théorique et appliquée des processus naturels permet de ne pas entreprendre d’actions au mieux inutiles, au pire nuisibles.

Dans les régions tempérées, la végétation climacique –c’est à dire la végétation vers laquelle tendent les écosystèmes s’ils sont laissés à eux mêmes, et n’ont pas étaient irrémédiablement détruits– tend vers une forêt de caduques, typiquement de chênes dans cette région. D’ailleurs il existe un petit bois de chênes jouxtant la parcelle, où cèpes et girolles pointent le bout de leur nez de temps en temps. La forêt est l’écosystème le plus stable, c’est la meilleure stratégie de conservation de la matière organique, qui serait soumise à l’érosion lors des pluies. Lorsque cette stratégie optimale est perturbée, que ce soit naturellement (chute d’un arbre, feu, …) ou artificiellement (chantiers, agriculture, …), une autre stratégie d’urgence doit être appliquée, pour empêcher le sol de s’éroder en attendant la mise en place de la forêt.

Cette stratégie d’urgence est mise en oeuvre par ce que l’on appelle les mauvaises herbes, les plantes envahissantes ou indésirables. Ces espèces pionnières ont plusieurs caractéristiques, nécessaires à leur rôle :

  • une expansion rapide (grosses production de graines, rhizomes traçants, etc.) pour pouvoir coloniser le sol rapidement, enfin de fournir une couverture du sol limitant l’érosion par le vent et l’eau ;
  • des besoins réduits pour pouvoir coloniser les terrains perturbés. Généralement ces plantes peuvent pousser sur des terrains pauvres, pollués, tassés ;
  • une nature héliophile (c’est à dire s’épanouissant au soleil), car le soleil est synonyme de perturbation, et ces plantes doivent laisser place aux plantes suivantes dans la succession qui doit amener à la forêt.

Ce sont ces caractéristiques « agressives » de « conquérantes », primordiales à leur rôle écologique, qui font de ces plantes des redoutables adversaires de nos productions agricoles si peu intégrées dans les écosystèmes naturels. Lorsque l’on coupe la forêt pour planter, lorsqu’on tasse la terre avec des machines et des labours, lorsqu’on détruit la micro-faune du sol et qu’on laisse le sol à nu, les « mauvaises herbes » occupent seulement leur niche écologique, celle des sols perturbés.

Or loin d’être nuisibles, ces plantes sont des indicateurs précieux et un pansement naturel qui contrecarre les effets nuisibles de nos pratiques. Les sols pauvres sont colonisés par des plantes qui peuvent fixer l’azote atmosphérique, qui retourne au sol lorsque la plante meurt. Les mauvaises herbes qui poussent dans des sols compactés permettent de les décompacter grâce à leur puissant système racinaire. Le genêt qui pousse sur le terrain de mon grand père et qui ne peut être mangé par les chèvres est une plante caractéristique des terrains sur-paturés. De plus, elles sont utiles de bien d’autres façons : comestibles, mellifères, etc.

Nous devons changer notre regard sur les mauvaises herbes. Comme le dit David Holmgren, les mauvaises herbes sont définies comme des plantes qui ne sont pas à leur place, c’est à dire qui poussent là où nous ne voulons pas, ce qui ne dit rien à propos de ces plantes, mais beaucoup à propos de nous-mêmes.

Pour finir, deux articles sur le sujet,  » Permaculture : Designing for cultivating ecosystems » de David Holmgren et « tous ensemble, éradiquons l’ambroisie » du Sens de l’humus.