Un court billet sur une métaphore explicitant les différents niveaux de vision que l’on peut avoir du pétrole.
Comme je l’ai déjà dit, le pétrole est essentiel pour notre économie, puisqu’il les produits pétroliers représentent près de la moitié de la consommation énergétique finale de la France. Le secteur clef des transports et quasiment assujetti au pétrole.
Le pétrole est tellement présent qu’on a du mal à comprendre toutes les implications. Je vais essayer de les expliciter en prenant un parallèle avec l’eau.
Le premier niveau de compréhension correspond à la partie visible et tangible. Pour l’eau, c’est l’eau qui coule du robinet, de la douche, des nuages. Pour la pétrole, c’est celui que l’on met dans son réservoir de voiture ou sa chaudière au fioul. Quand on essaie de réduire sa consommation, on a tendance à se focaliser sur ses parties : pour l’eau, on économise sur les bains (prendre une douche à la place), on réutilise l’eau de lavage des légumes pour le jardin … Pour le pétrole, on essaie de moins prendre sa voiture.
Le deuxième niveau correspond aux utilisations masquées. Chaque être animé ou chaque objet contient une part d’eau, que ce soit au niveau de sa structure, pour se maintenir, ou lors de sa création. Le corps humain est composé majoritairement d’eau, il faut de l’eau pour élever un animal, cultiver du blé, construire une voiture … C’est la même chose pour le pétrole. Beaucoup d’objets contiennent du pétrole, que se soit sous forme de matière première (plastiques, fibres synthétiques …) ou indirectement par l’utilisation de pétrole sur les chaînes de montage, pour le transport des divers composants, etc.
Le troisième niveau est le plus invisible et le plus important à la fois. Il se situe au niveau du système. On y pense peu, mais l’eau peut façonner des paysages entiers par l’action de l’érosion des roches ou des sols. L’eau creuse, valonne, s’accumule … L’eau est un facteur vital pour l’établissement et la pérennité des sociétés humaines. Longtemps l’humanité a été contrainte géographiquement par les cours d’eau et les océans, car la présence de ressources marines était un élément important.
Le pétrole a également façonné de manière profonde nos sociétés. Les ressources fossiles sont à l’origine de la révolution industrielle, qui a été le plus gros bouleversement des sociétés humaines depuis la révolution néolithique agricole qui a vu naître les civilisations. La révolution industrielle a commencé en Angleterre avec le charbon, qui a depuis été remplacé par le pétrole, bien plus efficace (forme liquide plus facile a transporter, stocker, utiliser, et rendement énergétique supérieur). Ces sources d’énergie, qui ne sont rien d’autre que de l’énergie solaire accumulée et compressée pendant des millions d’années, ont rendu l’énergie abondante et peu chère, pour la première fois dans l’histoire (et avant) de l’humanité. C’est grâce au charbon et au pétrole que vous pouvez lire ces lignes. Pas seulement parce qu’il a fallu de l’énergie pour fabriquer et transporter votre ordinateur et le mien, mais aussi parce qu’elles ont augmenté la productivité agricole, qui a fourni des mains supplémentaires pour l’industrie, tout en ayant de quoi nourrir les bouches correspondantes. C’est grâce à cette énergie que des connaissances scientifiques de pointe ont pu émerger, et se transmettre et s’enrichir au fil des ans (pour devenir à l’occasion un ordinateur), grâce à une société assez stable pour que les informations se perpétuent. Les énergies fossiles sont derrière la mondialisation, et permettent de tisser des réseaux autour du globe, comme celui d’internet. C’est également grâce aux énergies fossiles qui vous pouvez lire ces lignes, que l’école est devenue accessible et même obligatoire. Elles ont permis à l’Homme un contrôle sans précédent, menaçant jusqu’à l’équilibre de notre biosphère.
Le grand défi à venir sera de gérer la descente énergétique qui se profile, et à mettre à profit le paradoxe de la société industrielle, qui est que tout en nous permettant de détruire le monde et nous avec, elle nous a permis de jeter un regard vers nos racines, plus lointaines que la naissance de l’agriculture. Saurons nous tirer partie de toute cette connaissance et ces objets produits, ainsi que de l’énergie qui nous reste, pour mettre en place des systèmes humains et agricoles coopératifs et autonomes, pour enfin vivre en paix avec nous même et les autres formes de vie, et dans l’abondance ? C’est pour moi tout l’intérêt de la permaculture.
Données: Bilan énergétique de la France, 2007.