mauvaises herbes

L’amarante plus forte que Monsanto ?

Amaranthus  retroflexus

Amaranthus retroflexus

Je n’aurai de cesse de faire l’éloge de la mauvaise herbe. Aujourd’hui, David-l’amarante, Amaranthus retroflexus L. de son petit nom, 12 000 graines par an en moyenne avec une durée germinative de 20 à 30 ans; contre Goliath-Monsanto, 8 563 milliards de $ de chiffre d’affaires.

Je ne résiste pas à vous citer un extrait de l’article intitulé «OGM: la menace des super mauvaises herbes s’amplifie» :

En 2004, un agriculteur de Macon, au centre de la Géorgie (à l’est des Etats-Unis), applique à ses cultures de soja un traitement herbicide au Roundup, comme il en a l’habitude. Curieusement, il remarque que certaines pousses d’amarantes (amarante réfléchie, ou Amarantus retroflexus L.), une plante parasite, n’en semblent pas incommodées… Pourtant, ce produit est élaboré à partir de glyphosphate, qui est à la fois l’herbicide le plus puissant et le plus utilisé aux Etats-Unis.
Depuis, la situation a empiré. Actuellement, et rien qu’en Géorgie, 50.000 hectares sont atteints et nombre d’agriculteurs ont été contraints d’arracher leurs mauvaises herbes à la main… quand c’est possible, considérant l’étendue des cultures. A l’épicentre du phénomène, 5.000 hectares ont été tout simplement abandonnés.

Est-ce que l’amarante viendra à bout de la prodigieuse force financière, politique, technologique de Monsanto ?

Il faut remarquer également que ce que l’on appelle dans l’article une super-mauvaises-herbes (superweeds) n’est en fait qu’une « mauvaise herbe » (notée 3/5 en comestible et 2/5 en médicinal sur PFAF tout de même) qui résiste à un pesticide spécifique produit par une entreprise. Il ne s’agit pas d’amarantes zombies dangereuses instopables, mais « seulement » de plantes qui ont développé une résistance. Attention, je ne dis pas que je ne suis pas inquiet que les saloperies modifications biotechnologiques de Monsanto se retrouvent dans des plantes sauvages.

Mais leur pouvoir d’expansion ne dépend que de nous, de la place que nos pratiques leur laissent. Cette plante se développe car elle a acquis un avantage incomparable en résistant au round-up, ce qui fait que ces herbes n’ont comme concurrentes que les plantes OGM chétives et mal adaptée que l’agriculteur a plantées. Le combat est plié d’avance, et l’amarante colonise ces immenses champs.

Que faire ? Tout simplement arrêter les pratiques culturales qui favorisent la compétitivité de l’amarante mutante, c’est à dire arrêter d’asperger les champs de round-up (ce qui implique de ne pas cultiver de plantes OGM « round-up ready »). Et favoriser une vraie biodiversité dans laquelle aucune plante ne pourra prendre le contrôle d’un vaste espace. L’inverse de nos champs tels que cultivés actuellement, en somme.

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Éloge de la mauvaise herbe

Genêt scorpion

Genêt scorpion

L’été dernier, nous sommes allés camper dans un vieux mas construit par mon grand père, au milieu d’un terrain planté d’amandier et d’oliviers, laissés en repos depuis peut être une décennie. La majorité du terrain est envahie de ronces et de genêts scorpion (je ne suis pas très sûr). Quelques grands chênes ombragent le petit mas perdu au milieu d’une atmosphère étouffante de ces jours caniculaires d’août. Non loin du mas, quelques chênes pas plus hauts qu’un mètre sont perdus parmi la végétation épineuse des genêts.
Que pouvaient faire ces pauvres chênes chétifs face à la forêt de genêts qui dépassaient les 2m de hauteur ? La compétition pour la lumière et l’eau devait être terrible. N’écoutant que mon courage, j’ai entrepris de dégager les quelques chênes de ses envahisseurs. Avec un peu de recul, je me demande si j’ai bien fait.

Le genêt scorpion (Genista scorpius) fait partie de la famille des fabacées, il est donc un fixateur d’azote atmosphérique. Il pousse donc sur des sols pauvres qu’il améliore, au bénéfice du chêne. Ses épines le protègent des attaques des animaux, notamment des chèvres et des moutons, protection offerte au chêne qui pousse sous le couvert de ces épines. L’ombre qu’il apporte au chêne protège ce dernier des chauds étés du Midi.

Qui croit encore que le genêt est l’ennemi du chêne ?


Cette leçon, apprise à mes dépens (ou plutôt celui des chênes, j’espère qu’ils n’auront pas trop souffert de ma folie d’ingérence), illustre bien un des principes de la permaculture : comprendre avant d’agir. Une bonne compréhension théorique et appliquée des processus naturels permet de ne pas entreprendre d’actions au mieux inutiles, au pire nuisibles.

Dans les régions tempérées, la végétation climacique –c’est à dire la végétation vers laquelle tendent les écosystèmes s’ils sont laissés à eux mêmes, et n’ont pas étaient irrémédiablement détruits– tend vers une forêt de caduques, typiquement de chênes dans cette région. D’ailleurs il existe un petit bois de chênes jouxtant la parcelle, où cèpes et girolles pointent le bout de leur nez de temps en temps. La forêt est l’écosystème le plus stable, c’est la meilleure stratégie de conservation de la matière organique, qui serait soumise à l’érosion lors des pluies. Lorsque cette stratégie optimale est perturbée, que ce soit naturellement (chute d’un arbre, feu, …) ou artificiellement (chantiers, agriculture, …), une autre stratégie d’urgence doit être appliquée, pour empêcher le sol de s’éroder en attendant la mise en place de la forêt.

Cette stratégie d’urgence est mise en oeuvre par ce que l’on appelle les mauvaises herbes, les plantes envahissantes ou indésirables. Ces espèces pionnières ont plusieurs caractéristiques, nécessaires à leur rôle :

  • une expansion rapide (grosses production de graines, rhizomes traçants, etc.) pour pouvoir coloniser le sol rapidement, enfin de fournir une couverture du sol limitant l’érosion par le vent et l’eau ;
  • des besoins réduits pour pouvoir coloniser les terrains perturbés. Généralement ces plantes peuvent pousser sur des terrains pauvres, pollués, tassés ;
  • une nature héliophile (c’est à dire s’épanouissant au soleil), car le soleil est synonyme de perturbation, et ces plantes doivent laisser place aux plantes suivantes dans la succession qui doit amener à la forêt.

Ce sont ces caractéristiques « agressives » de « conquérantes », primordiales à leur rôle écologique, qui font de ces plantes des redoutables adversaires de nos productions agricoles si peu intégrées dans les écosystèmes naturels. Lorsque l’on coupe la forêt pour planter, lorsqu’on tasse la terre avec des machines et des labours, lorsqu’on détruit la micro-faune du sol et qu’on laisse le sol à nu, les « mauvaises herbes » occupent seulement leur niche écologique, celle des sols perturbés.

Or loin d’être nuisibles, ces plantes sont des indicateurs précieux et un pansement naturel qui contrecarre les effets nuisibles de nos pratiques. Les sols pauvres sont colonisés par des plantes qui peuvent fixer l’azote atmosphérique, qui retourne au sol lorsque la plante meurt. Les mauvaises herbes qui poussent dans des sols compactés permettent de les décompacter grâce à leur puissant système racinaire. Le genêt qui pousse sur le terrain de mon grand père et qui ne peut être mangé par les chèvres est une plante caractéristique des terrains sur-paturés. De plus, elles sont utiles de bien d’autres façons : comestibles, mellifères, etc.

Nous devons changer notre regard sur les mauvaises herbes. Comme le dit David Holmgren, les mauvaises herbes sont définies comme des plantes qui ne sont pas à leur place, c’est à dire qui poussent là où nous ne voulons pas, ce qui ne dit rien à propos de ces plantes, mais beaucoup à propos de nous-mêmes.

Pour finir, deux articles sur le sujet,  » Permaculture : Designing for cultivating ecosystems » de David Holmgren et « tous ensemble, éradiquons l’ambroisie » du Sens de l’humus.