résilience

Résilience et soutenabilité

La résilience est un concept fondamental des villes en transition, et bien qu’important pour nos sociétés, il est très peu mis en avant par les autres mouvements écologistes, qui lui préfèrent celui de soutenabilité (ou durabilité). Je vais essayer dans ce billet d’explorer les différences entre ces deux approches, en partant de l’étude systémique d’un précédent article sur les systèmes agricoles.

Pour une définition de la notion de résilience, on peut se référer au chapitre 3 du Transition Handbook :

En écologie, le terme résilience fait référence à la capacité d’un écosystème à s’adapter à des évènements (chocs) extérieurs et des changements imposés. Walker et ses collaborateurs la définissent comme «la capacité d’un système à absorber un changement perturbant et à se réorganiser en intégrant ce changement, tout en conservant essentiellement la même fonction, la même structure, la même identité et les mêmes capacités de réaction.»
Dans le contexte des communautés humaines, il renvoie à leur capacité de ne pas disparaître ou se désorganiser au premier signe d’une pénurie par exemple de pétrole ou de produits alimentaires mais, au contraire, de répondre à ces crises en s’adaptant.

On peut voir dans la résilience la philosophie sous-jacente de la permaculture. En effet la permaculture vise à établir des sociétés humaines et des systèmes agricoles basés sur des systèmes naturels. On peut faire le parallèle entre les sociétés occidentales et les champs de blé d’un côté, et les sociétés permaculturelles visées par les initiatitives de transition et les forêts de l’autre. Les premiers nécessitent beaucoup d’énergie, une gestion constante, sont très peu résistants aux chocs, etc. Les seconds sont résilients, remplissant les principales caractéristiques de cette notion : la diversité des éléments (nombreux types de plantes et d’insectes de la forêt, nombreux artisans, paysans, etc.) et de leurs connexions, la modularité dans leurs interactions (cycle fermé de la forêt, nouvelles relations entre personnes de la communauté, comme dans les AMAP ou les SEL), et la capacité accrue de réponse aux rétro-actions (plantes pionnières opportunistes, conséquences ressenties immédiatement au niveau local grâce à la relocalisation).

Rob Hopkins distingue bien la résilience de la soutenabilité :

Le concept de résilience est différent de celui de soutenabilité qui est plus fréquemment utilisé. Une communauté peut, par exemple, faire campagne en faveur du recyclage des plastiques en proposant d’organiser des collectes de tous les plastiques industriels et domestiques en vue de les recycler. Bien que certainement bénéfique pour l’environnement dans sa globalité, une telle mesure n’ajoute pratiquement rien en terme de résilience pour la communauté en question. Peut-être qu’une meilleure solution (à côté de celle tout aussi nécessaire de produire moins de déchets plastiques), serait de développer d’autres utilisations de ces déchets plastiques nécessitant des procédés minimalistes comme, par exemple, la production de blocs de construction compacts ou de matériaux d’isolation à usage local. Simplement collecter les déchets et les envoyer ailleurs, ne renforce pas la position de la communauté ni sa capacité à répondre d’une manière créative aux changements et autres évènements (chocs).

Pour représenter la différence entre résilience et soutenabilité, je vais m’inspirer d’un article sur l’analyse des systèmes agricoles, dans lequel je considérais les sorties non utilisées d’un système comme une pollution (par exemple les tonnes de déjections non utilisées des hangars à poulets qui polluent les nappes phréatiques), et les besoins d’un système fournis de manière non naturelle comme énergivores (par exemple la production, le transport et le conditionnement de la nourriture des poulets élevés en batterie).

Lorsque l’on passe du champ agricole à la société, les systèmes changent également d’échelle, et les systèmes agricoles deviennent des systèmes divers, aussi bien financiers que sociaux ou culturels.

On peut par exemple prendre comme système une entreprise commercialisant du lait. Si cette entreprise achète son lait sur un « marché du lait » qui regroupe les provinces d’une région du pays, et livre ses produits dans des emballages plastiques, elle est vulnérable à une quantité d’événements qu’elle ne maîtrise pas (politique agricole, cours mondial du lait, cours du pétrole …), d’où un manque de résilience. De plus les emballages ne seront peut être pas recyclés, ce qui induit une pollution (de plus le recyclage consomme de l’énergie, est n’est donc pas neutre). Si l’entreprise décide de remplacer ses emballages en plastique par du verre, et met en place une filière de réutilisation de ceux-ci, elle devient plus soutenable, car moins de pollution est crée. Si elle décide de s’approvisionner chez des agriculteurs locaux, rassemblés en une coopérative de production ou via des contrats liant l’agriculteur à l’entreprise (type AMAP), alors l’entreprise gagne en résilience. Si l’entreprise décide de consigner ses bouteilles de verre pour les réutiliser, elle gagne non seulement en soutenabilité mais également en résilience (ses besoins en emballage sont comblés localement, par une filière très sécurisée, puisque les bouteilles sont déjà crées).

On peut dire que la résilience s’attache aux entrées des systèmes, car les systèmes sont dépendants de leurs besoins et donc vulnérables vis-à-vis d’eux en cas de choc. La soutenabilité concerne les sorties des systèmes : les conséquences environnementales, sociales, etc. qu’ils génèrent. La figure ci-dessous résume ces différences.

Différence entre résilience et soutenabilité d'un système S.

Différence entre résilience et soutenabilité d'un système S (ex: entreprise laitière). Les flèches en pointillés représentent des besoins ou productions non significatives pour l'étude du système considéré. Le grand cercle représente l'entité en transition considérée (ex: ville et périphérie, etc.)

Bien sûr la résilience et la soutenabilité sont plus complexes que cela. Pour la résilience par exemple, on peut l’augmenter en diversifiant ses sources d’approvisionnement (différents interlocuteurs, différentes régions), ses types d’approvisionnement (différents types de produits remplissant un même besoin), en s’approvisionnant localement, en autoproduisant …

Cette étude systémique permet de différencier les deux concepts suivant plusieurs axes qui en sont dérivés :

Résilience Soutenabilité
Analyse systémique Entrée des systèmes Sortie de systèmes
Champ d’étude principal Énergie Pollution
Crise emblématique Pic pétrolier Dérèglement climatique
Échelle géographique Locale Globale
Échelle temporelle Court et moyen termes Moyen et long termes
Indicateurs Indicateurs de résilience1 Empreinte écologique, rejet CO2

[1] : Tiré du Transition Handbook, pages 174-175 : le pourcentage de nourriture consommée ayant été produite à proximité, la part de terrain consacrée au parking par rapport à celle consacrée aux cultures vivrières, le pourcentage d’habitants sachant cultiver au moins dix légumes, le pourcentage de médicaments utilisés qui ont été produits à proximité, etc.