Pacte avec les doryphores

Extrait traduit par mes soins du livre « Landrace Gardening » de Joseph Lofthouse :

Les doryphores ne s’en prennent pas à mes pommes de terres, même si tous les deux sont communs dans mon jardin. Ces insectes vivent dans mon jardin tout au long de l’année. Je peux donc conclure un pacte sur plusieurs années avec eux. Je peux influer à la fois sur leurs gènes et sur leur culture. Mon contrat avec les doryphores se présente à peu près sous cette forme :

– Je n’utiliserai aucun poison dans mon jardin, et je n’harcèlerai aucun doryphore lié par ce pacte.

– Les doryphores peuvent manger les morelles vertes (solanum physalifolium) sauvages qui poussent spontanément dans mon jardin. Je ne toucherai pas les doryphores qui mangent uniquement ces plantes.

– Je laisserai cette plante sauvage pousser à certains endroits de mon jardin.

– Les doryphores trouvés sur une plante cultivée seront écrasés.

– Chaque plante cultivée qui attire de manière répétée des doryphores sera enlevée.

C’est en substance le contenu du pacte. Les doryphores mangent les mauvaises herbes. Ils laissent les légumes tranquilles. Cette stratégie ne pourrait pas fonctionner avec des insectes apportés par le vent. Elle marche avec les insectes qui vivent là toute l’année.

Une maman doryphore à tendance à pondre sur la même espèce que celle sur laquelle elle est née. Cela fait partie de la culture doryphore mentionnée précédemment. Les bébés doryphores grandissent et font ce qu’ils ont appris de leur mère. Il y a peut être une composante génétique qui s’auto-renforce car les doryphores ont tendance à préférer les mauvaises herbes du genre Solanum. Ceux qui mangent les légumes ont moins de chance de se reproduire.

Parfois, un plant de tomate ou de pomme de terre en particulier se fait envahir de manière répétée. Les doryphores responsables et la plante sont éliminés. Je ne veux pas faire pousser de légumes qui produisent des odeurs ou des textures qui désoriente les doryphores et brouille les termes du pacte. Je ne veux pas élever une génération de doryphore qui trouve les plantes cultivée à leur goût. Je fais de la sélection génétique sur les doryphores et sur les plantes, les encourageant à coexister pacifiquement.

L’élevage, un outil pour un futur post-industriel

J’aimerais dans cet article résumer ce que j’ai pu écrire précédemment sur les avantages d’un certain type d’élevage, et rajouter quelques nouveaux éléments, pour la plupart empruntés au livre Meat, a Benign Extravagance de Simon Fairlie. Ce billet ne concerne pas le véganisme, mais comme je veux montrer l’intérêt et les conséquences de l’élevage, il est utile de voir ce qui se passerait dans un monde sans élevage.

Un autre élevage est possible (et il est déjà là, ailleurs)

Que se passerait-il si demain le monde devenait subitement vegan ? Beaucoup de choses, mais l’une est particulièrement intéressante, et déduite des chiffres de la FAO (encadré 5.1) : si le monde devenait subitement vegan,  il n’y aurait pas plus de protéines disponibles pour l’alimentation humaine au niveau mondial (1). Comment cela est-il possible, au regard des énormes quantités de maïs et de soja détournés par l’élevage ? Tout simplement parce que dans les pays non industrialisés, les pauvres nourrissent leurs vaches, leurs cochons, leurs volailles et leurs poissons avec de l’herbe, des déchets de cuisine ou de récoltes, des déjections d’autres animaux, etc. Et bien sûr enlever les animaux ne rendra pas l’herbe et les déchets consommables.

Le but n’est pas de faire des comptes d’apothicaire (2), mais de montrer qu’il y a une agriculture bien éloignée de notre vision industrielle, et qui permet aux plus pauvres de tirer subsistance de matières premières non consommables grâce à l’élevage. Le calcul de la FAO nous montre que la proportion de cet élevage n’est pas négligeable, car elle compensait en nombre de protéines l’énorme gâchis de l’élevage industriel en 1997.

Vache urbaine, Inde

Vache urbaine, Inde *

Cet élevage est nommé l’élevage par défaut (default land user strategy livestock) par la FAO, et est utilisé comme « moyen pour valoriser la biomasse des terrains marginaux, des résidus et des endroits interstitiels ». Il faut comprendre « par défaut » comme dans un « choix par défaut », à opposer à une stratégie active, qui dans le cadre de l’élevage revient  à entrer en compétition avec d’autres secteurs pour les denrées alimentaires.

Concrètement, l’élevage par défaut concerne les produits (viande, lait, œufs, peaux …) issus d’animaux de traction et des animaux nourris par : (a) les déchets de transformation de nourriture, (b) les résidus de culture, (c) la nourriture gâchée, (d) les déchets d’abattoirs, (e) les pâturages, (f) les surplus de céréales. L’élevage par défaut peut fournir une quantité non négligeable de viande à chaque être humain, même s’il ne rivalise pas avec les chiffres de consommation par tête des sociétés industrielles.

L’animal comme régulateur

Élevage de poule en permaculture (X)

Élevage de poule en permaculture (4)

L’élevage par défaut remplit une fonction très importante, celle de « tampon » concernant la production de céréales (3). Le marché des céréales pour la consommation humaine est très peu élastique, contrairement au marché de la viande qui peut absorber n’importe quel surplus de production dans une bonne année. Et les animaux peuvent restituer lors des mauvaises années ce qu’ils ont stocké pendant les bonnes. Dans le document précédemment cité, la FAO note que « durant les deux récentes crises alimentaires globales de 1974-75 et 1982-83, les réductions dans l’approvisionnement global de céréales ont été presque entièrement  absorbées par le secteur de l’élevage s’ajustant à l’augmentation des prix par une réduction de la production, une meilleure productivité, et l’utilisation de denrées non comestibles ». L’élevage permet donc de prévoir une marge de sécurité en semant plus de céréales que nécessaire, et le surplus est absorbé et « stocké » par l’élevage par défaut. L’autre alternative à l’utilisation de l’élevage comme tampon pour la production de céréales est l’utilisation de silos géants de stockage gérés de manière centralisée par l’État, solution choisie par la Chine.

Encore plus intéressant, les animaux peuvent être utilisés comme gardes fou d’une expansion non soutenable de la population humaine (5). Si l’élevage par défaut produit de la nourriture sans retirer quoique que ce soit de la bouche des plus pauvres, même certains aspects non efficients (conversion inférieure des denrées comestibles, place occupée …) de l’élevage peuvent être utilisés à bon escient. L’élevage, par son extravagance, atteint les limites de capacité des territoires considérés avant les populations humaines. Lorsque ce signal est donné (par un manque de place, des réserves au plus bas, etc) on peut alors réajuster en se séparant d’une partie des animaux d’élevage. Il est beaucoup plus difficile de contrôler une expansion non durable d’une population humaine basée sur des productions végétales ultra productives comme la pomme de terre. Et lorsqu’il est trop tard, le rééquilibrage passe par des guerres meurtrières, des famines et des épidémies. La recherche d’une efficacité maximale au détriment de la diversité peut avoir de très lourdes conséquences, comme l’a montré le cas irlandais. Les modalités d’une telle stratégie restent à trouver.

Les animaux servent de zone de régulation, et une pression trop forte de la population sur les récoltes ou le milieu peut être compensée par la « soupape » de l’élevage dont l’ampleur sera réajustée.

Élevages et paysages

Système sylvo-pastoral en Espagne, la dehesa

Système sylvo-pastoral en Espagne, la dehesa *

Les paysans et les paysannes font le pays, et les cultures ont un impact évident sur la région qu’on habite. Pour mieux se rendre compte de l’impact des animaux d’élevage, les projections en terme « d’allocation de territoire » de Fairlie, qui trace les scénarios  d’une Angleterre permaculturelle vegane, et permaculturelle avec élevage sont très intéressantes (6).

Sans surprise, la permaculture vegane est plus performante en terme de superficie, elle consommerait seulement 55% de la superficie du scénario avec élevage ! Mais si on y regarde plus précisément, la superficie des terres arables est sensiblement la même (7,9 M ha pour l’élevage contre 7,7 M ha pour le scénario vegan), car le scénario vegan s’appuie sur des engrais verts pour remplacer la fertilité apportée par les animaux et que les huiles végétales prennent beaucoup de place à produire (7). Finalement, l’élevage par défaut ne change pas fondamentalement l’utilisation du territoire au niveau des terres arables (même s’il diminue grandement les surfaces en cultures annuelles), mais sur les autres terres, incultes ou non cultivées, comme les forêts.

Quelle utilisation pour nos territoires ?

Quelle utilisation pour nos territoires ? (8)

L’élevage et ses pâturages permanents peuvent ici aussi jouer un rôle de « tampon », au niveau du paysage cette fois. Ils forment un gradient entre des systèmes très anthropiques et intensivement gérés comme les aires urbaines ou les terres arables, et des zones plus sauvages comme la forêt. Un gradient au niveau de l’intensité d’utilisation, les pâturages nécessitant peu de travail. Un gradient au niveau de la place laissée au sauvage, puisqu’ils sont bien moins vulnérables à la présence d’espèces sauvages que les terres cultivées et que les animaux sauvages ne sont pas à l’aise pour franchir de grands espaces ouverts. Et enfin un gradient au niveau de l’ouverture créée par le bocage, bien plus propice aux matchs de foot ou de frisbee improvisés, ou aux pic-niques que la forêt.

Si le gradient se referme brusquement avec la suppression des prairies, il est beaucoup plus complexe de gérer la proximité du « sauvage » et des dommages qui en résultent sur les cultures. Entourés par la forêt, les plantations de noyers ou de noisetiers se transforment en garde-manger géants pour écureuils !

L’animal à la ferme

Les animaux sont généralement présentés comme un poids, pour la société comme pour les fermes. Et c’est le cas quand l’élevage n’est considéré que comme une couche inefficace qui vient se greffer sur la production de céréales et d’oléagineux.

Intégration entre jardin, champ, canards, porcs et vaches

Intégration entre jardin, champ, canards, porcs et vaches au Vietnam *

Comme le note Fairlie, l’élevage par défaut correspond bien à la notion d’élevage en permaculture, où les animaux sont utilisés pour valoriser les déchets ou les denrées non consommables, mais également où les comportements instinctifs des animaux sont utilisés pour améliorer le système sans recourir à des machines et du pétrole.

Intégration des canards et du riz, Japon

Intégration des canards et du riz, Japon *

Les animaux ont depuis longtemps été utilisés dans les agro-écosystèmes dans lesquels ils excellaient, parce que ces derniers se rapprochaient de leur habitat naturel, par les services qu’ils rendaient, et par les nombreuses connexions qu’ils créaient. Les canards et les poissons sont par exemple combinés aux rizières en Asie (9). L’Europe a une grande tradition sylvo-pastorale, dans laquelle animaux, herbe et arbres entretiennent des relations vertueuses, comme dans les dehesa en Espagne.

Les animaux ne sont pas un fardeau pour ces fermes, mais un moyen d’utiliser au maximum les intrants et les productions au sein du système, de remplacer les produits de synthèse et les machines, d’augmenter la résilience, de diversifier et d’augmenter les revenus. Les animaux sont inefficaces si l’on a en tête le modèle de la pyramide trophique, dans laquelle chaque niveau  se développe sur un niveau inférieur beaucoup plus gros (on prend en général le rapport un pour dix, 1:10). Mais dans les faits, les relations au sein de la communauté du vivant sont des cycles. Plus il y a de cycles, et plus le système est stable et résilient, et les ressources sont utilisées pleinement. Enlever des éléments au système, comme les animaux d’élevages dans une ferme, rend le système plus rudimentaire, comme le montre les diagrammes ci-dessous.


Intégrations possibles dans une ferme végane (gauche) et avec élevage (droite) (8).

 

Et ce n’est pas par hasard si Bill Mollison a écrit, « les cycles dans la nature sont des voies divergentes du chemin menant vers les  impasses entropiques -la vie elle-même cycle les nutriments- permettant des opportunités de production, et ainsi des opportunités pour des espèces d’occuper des niches écologiques dans le temps » (10). Plus une ressources cycle, plus elle créé d’opportunités synonymes de diversité, d’efficience et de productivité.

L’intégration d’une espèce donnée à la ferme  sera en fonction de ces affinités avec l’agro-écosystème considéré (tableau, première partie) ou selon les services que peut remplir l’animal, comme tondre, débroussailler, labourer, désherber ou détruire les ravageurs (tableau, deuxième partie). Au niveau de la société, la place de l’élevage se fait en fonction des caractéristiques des espèces. Les espèces herbivores, particulièrement efficaces pour transformer l’herbe en nourriture et maintenir des espaces ouverts, seront à leur aise à la campagne. Les espèces au régime plus proche du notre, comme les poules et les cochons, seront placées plus près, à la périphérie des centres urbains  pour profiter des déchets d’abattoir, de récolte et de la nourriture gâchée, par exemple dans les points de restauration collective. J’ai évalué la performance supposée des espèces aux différentes catégories d’intrants alimentaires d’un élevage par défaut dans la troisième partie du tableau. Ce n’est qu’un guide général, et les herbivores peuvent pénétrer les centres urbains comme c’est le cas des vaches en Inde, et tous les animaux peuvent être intégrés efficacement dans les fermes ou dans les campagnes.

Vaches laitières Cochons Poules Canards / Oies Moutons
Relations bénéfiques aux (agro-)écosystèmes (11)
Jardins maraîchers
Petits-fruits
Vergers  
Pâturages  
Zones humides
Forêts
Fonctions écologiques sur la ferme (12)
Tondre et brouter Oui Oui Oui Oui Oui
Débroussailler Certaines races
Manger les insectes ravageurs Oui Canards
Labourer Oui Oui
Tondre seulement l’herbe Oies
Glaner les fruits au sol Oui Oui
Intégration dans un élevage par défaut
Pâturage ★(★)
Déchets de culture
Déchets d’abattoirs
Déchets de transformation
Nourriture gâchée
Surplus de céréales

★: Compatible; ★★: Bonne association; ★★★: Excellente association

Bien sûr, l’objectif n’est pas de continuer à produire les quantités astronomiques de viande que nous absorbons actuellement dans les sociétés industrielles. Le but est d’utiliser l’élevage pour ce qu’il apporte de mieux, comme les nombreux services à la ferme, le recyclage de matières premières qui quitteraient la chaîne alimentaire, la consolidation des fermes et des sociétés, et la production nette de nourriture.

(1) Livestock & the environment: Finding a balance, Cees de Haan, Henning Steinfeld, Harvey Blackburn (1997). Depuis la sortie de ce livre, l’industrialisation de l’agriculture en Chine a dû faire pencher la balance du côté du veganisme.

(2) D’autant plus que ça ne change rien au fait que si on donnait directement les céréales utilisées par l’élevage industriel aux populations humaines, plus de protéines et de calories seraient globalement disponibles.

(3) Meat, A Benign Extravagance, Simon Fairlie. Chapitre 10.

(4) Permaculture: A Designers’ Manual, Bill Mollison. Tagari, p.35.

(5) Fairlie cite l’exemple incroyable des tribus Maring de Nouvelle-Guinée, qui élèvent des cochons sans les tuer pendant 10-12 ans (3). Les cochons deviennent ingérables, ils épuisent les jardins et de nouveaux doivent être créés en brûlant des parcelles de forêt. Inévitablement l’expansion se heurte à celle des autres tribus Maring, les cochons deviennent un poids de plus en plus lourd dans l’économie, et ils provoquent de plus en plus de « d’accidents diplomatiques ». Jusqu’à la guerre soit déclarée entre tribus. Là, les tribus amies se réunissent en grands banquets pour déguster les innombrables porcs. Puis la guerre est consommée, il ne reste plus qu’un petit nombre de porcs, et le cycle continue. Cette stratégie étrange permet de limiter l’expansion de la population, un partage plus égalitaire de la nourriture (les femmes et les enfants de toutes les tribus peuvent consommer le porc pendant les cérémonies, mais seuls les hommes dont la tribu a déclaré la guerre et non ceux des clans amis invités, peuvent aussi en manger), et de favoriser les mariages entre tribus amies.

(6) Meat, A Benign Extravagance, Simon Fairlie. Chapitres 9 et 15. Le scénario est « en permaculture » car la nourriture, le fourrage, la fertilité, les fibres vestimentaires et l’énergie sont pris en compte, et que l’élevage considéré est celui par défaut. Le chapitre est une version légèrement remaniée d’un article publié dans The Land.

(7) De plus Fairlie note qu’il y a beaucoup plus de terres arables dévolues aux cultures annuelles dans le scénario vegan (93% des terres arables, contre 60% pour l’élevage). Ce qui peut poser des problèmes de fertilité du sol et d’érosion.

(8) Meat, A Benign Extravagance, Simon Fairlie. Chapitre 17.

(9) Voir le système Riz/canards mis en place par Takao Furuno au Japon. Les canards désherbent, mangent les insectes ravageurs, et fertilisent le riz. Les rizières offrent un habitat et de la nourriture aux canards, et les déchets du riz sont donnés aux canards.

(10) Permaculture: A Designers’ Manual, Bill Mollison. Tagari, p.23.

(11) Permaculture: A Designers’ Manual, Bill Mollison. Tagari, p.431.

(12) Integrating Livestock in the Food Forest, Eric Toensmeier.

Stérilisation

Il me semble qu’une des caractéristiques des sociétés agricoles et bien plus encore de la société industrielle est celle de la stérilisation, qui prend souvent la forme de l’éradication. Cette pratique est souvent très énergivore et peut se révéler contre-productive.

Une démarche opposée à la stérilisation, et que l’on aurait intérêt à intégrer dans notre « kit post-industriel », et celle de « l’évolution contrôlée ». Elle consiste à mettre en concurrence l’objet que l’on veut contrôler avec un objet équivalent mais qui nous est plus favorable. On passe d’une relation de prédation entre cet objet et nous à une relation de compétition entre deux « objets ».

Quelques petits exemples que j’ai décelés, il doit y en avoir bien plus :

En agriculture, on cherche à éradiquer les « mauvaises herbes » du sol par un labour. Le labour met des graines d’adventices à la surface et laisse le sol à nu, créant ainsi les conditions idéales d’une nouvelle « invasion » de « mauvaises herbes ». Sachant par exemple que les graines d’amarante ont une durée de germination de +80ans, le combat est perdu d’avance, celui qui retourne le sol le fera toute sa vie, que ce soit en industriel chimique, en industriel bio, ou dans le potager. L’évolution contrôlée utilisée par la permaculture consiste ici à mettre en place un système mature qui sera stable, en commençant par mettre en place ces fameuses adventices qui sont le premier échelon d’un des cycles climaciques. Une autre méthode, si l’on veut cultiver des légumes annuels consiste à mettre un paillis (mulch) pour mimer le sol du climax forestier et empêcher la germination des graines.

En agriculture chimique ou bio, on cherche à supprimer les attaques fongiques en balaçant du fongicide sur les feuilles d’arbres fruitiers. Alors que la canopée des fruitiers abrite une palette de « champignons arboricoles » qui sont en compétition avec les champignons pathogènes. Sulfater va tuer cette coalition des canopée, ouvrant le champ aux champignons pathogènes. Michael Phillips dans The Holistic Orchard donne un programme de pulvérisations de préparations qui boostent les alliés avant l’arrivée des maladies fongiques (malheureusement à base d’huile de neem et d’algues, mais on peut envisager des pulvérisations d’ortie ou de thé à compost qui ont eu un certain succès sur la vigne dans certaines publications scientifiques).

Les champignons sont aussi la cause de chancres sur les fruitiers ou les arbres à noix . L’exemple le plus connu étant le chancre qui a décimé les châtaigniers nord-américains. Ici la technique de stérilisation est un petit concentré de la société industrielle. Pour protéger les châtaigniers de l’infection, le service chargé des forêt les a tous couper pour en faire du bois d’œuvre, générant ainsi pas mal de profit. Plus d’arbres, plus de problème. Paul Stamet, dans Mycellium Running, offre un autre exemple d’évolution contrôlée pour lutter contre les chancres, qui est d’inoculer les zones à risque avec  d’autres champignons pour créer une compétition au désavantage du chancre. Par exemple le champignon appelé Honey fungus en anglais (Armillaria) à la vie dure face au genre Hypholoma.

La stérilisation, la « vraie » (même si maintenant on stérilise aussi les sols au premier degré), des aliments est très récente, et à remplacé la fermentation dans notre société industrielle. La fermentation permet de diriger la « succession écologique » des bactérie et champignons, en introduisant les ferments voulus en grand nombre, et en orientant le milieux pour booster cette succession spécifique (sel, alcool, acidification, sucre …). La stérilisation cherche au contraire à supprimer toutes les bactéries, ce qui est très efficace si elles sont bien toutes détruites par la chaleur. Mais si une bactérie néfaste particulièrement coriace parvient à échapper à l’éradication totale, elle trouve le champ libre pour se multiplier. Sandor Ellix Katz, dans The Art of Fermentation, nous apprend que c’est ce qui se passe avec Clostridium botulinum, la bactérie responsable du botulisme. Il peut falloir jusqu’à 11h de stérilisation à 100°C pour détruire tous les spores. Si ça ne marche pas complètement, la bactérie se retrouve dans un environnement anaérobie sans compétition, les conditions idéales. A comparer avec un environnement acide peuplé de bactéries « amies » acidophiles.

Le complémentaire des ferments dans les aliments sont les bactéries dans nos intestins. Là aussi les « bonnes » bactéries sont en compétition avec les « mauvaises », et comme le notre une publication scientifique, elles nous procurent une défense en « entrant en compétition avec des pathogènes extérieurs sur les niches écologiques et les substrats métaboliques ». Or cette flore bactérienne est complètement détruite par les antibiotiques, et l’impact peut durer jusqu’à 2 ans.

Pour changer de domaine, je vois aussi mon athéisme « historique » comme une stérilisation de la spiritualité. Mais je réintroduis petit à petit les bons ferments

Peut être que cette démarche est un « pattern thinking » intéressant à appliquer dans une situation ou un élément nous gêne.

Comment je suis tombé animiste

Comment je suis tombé animiste : L’animisme expliqué par Daniel Quinn, dans The Story Of B, extraits choisis et traduits :

– Ton Dieu écrit avec des mots. Les dieux dont je parle écrivent en galaxies et en systèmes stellaires et en planètes et en océans et en forêts et en baleines et en oiseaux et en moucherons.
– Et qu’est-ce qu’ils écrivent ?
– Eh bien, ils écrivent la physique et la chimie et l’astronomie et l’aérodynamique et la météorologie et la géologie

– Mais comme tu le verras, l’animisme est complètement compatible avec le savoir scientifique. Bien plus compatible que vos religions. […] L’animisme cherche la vérité dans l’univers, pas dans les livres, les révélations ou les autorités. Il en est de même pour la #science. Bien que l’animisme et la science lisent l’univers sous des angles différents, les deux ont une totale confiance dans leur véracité.
– Je vais commencer par le grand secret de la vie de l’animiste, Louis. Quand les autres personnes cherchent Dieu, tu les vois regarder automatiquement vers le ciel. Ils imaginent vraiment que, s’il y a un Dieu, il est loin, très loin— éloigné et intouchable. Je ne sais pas comment ils peuvent supporter de vivre avec un Dieu comme ça, Louis. Vraiment pas. Mais ce n’est pas notre problème. Je t’ai dis que, parmi les animistes sur cette planète, pas un seul ne peut te dire le nombre de dieux. Ils ne connaissent pas ce nombre et moi non plus. Je n’ai jamais rencontré ou entendu parler d’un seul qui se soucie de combien ils sont. Ce qui est important pour eux ce n’est pas combien ils sont, mais ils se trouvent. Si tu vas parmi les Alawa d’Australie ou les Bushmen d’Afrique ou les Navajo d’Amérique du Nord ou les Kreen-Akrore d’Amérique du Sud ou les Onabasulu de Nouvelle Guinée — ou n’importe quels autres parmis les centaines de tribus de chasseurs-cueilleurs que je pourrais nommer —  tu trouveras vite où sont les dieux. Les dieux sont ici.
Je ne veux pas dire , je ne veux pas dire ailleurs, mais ici. Parmi les Alawa : ici. Parmi les Bushmen : ici. Parmi les Navajo : ici. Parmi les Kreen-Akrore : ici. Ce n’est pas une affirmation théologique qu’ils proclament. Les Alawa ne disent pas aux Bushmen : « Vos dieux sont faux, les vrais dieux sont les notres. Les Kreen-Akrore ne disent pas aux Onabasulu : « Vous n’avez pas de dieux, _nous seuls_ avons des dieux. Rien de tel. Ils disent : « Notre lieu est sacré, comme aucun autre lieu dans le mode ». Ils ne penseraient jamais à regarder ailleurs pour trouver les dieux. Les dieux se trouvent parmi eux — vivant où ils vivent. Le dieu est ce qui anime leur lieu. C’est ce que le dieu est. Un dieu est une force étrange qui fait de chaque lieu un lieu — un lieu comme aucun autre dans le monde.

– Contrairement  au Dieu écrit avec une majuscule, nos dieux ne sont pas tout puissants, Louis. Peux-tu l’imaginer ? N’importe lequel peut être vaincu par un lance-flammes ou un bulldozer ou une bombe— réduit au silence, éloigné, affaibli. Assis-toi  au mileu d’un centre commercial à minuit, entouré par des centaines de mètres de béton dans toutes les directions, et là le dieu qui était naguère aussi fort qu’un buffle ou qu’un rhinocéros, est aussi faible qu’une mite gazée à la pyréthrine. Faible — mais pas mort, pas complètement éradiqué. Rase le centre commercial et détruit le béton, et en quelques jours, l’endroit va résonner de vie à nouveau. Il n’y a rien de plus à faire que de retirer les poisons. Le dieu sait comment s’occuper de ce lieu. Il ne sera plus jamais comme avant, mais rien ne reste indéfiniment comme avant. Il n’y a pas besoin que ce soit comme avant.

La patate indienne, une plante d’avenir pour les permaculteurs et les primitivistes

Qui mieux que la patate indienne Apios americana — pourrait concrétiser ce que j’ai pu écrire sur la permaculture ou le primitivisme ?

C’est avant tout un tubercule qui peut prétendre à fournir notre base de subsistance. Même s’il est important de faire pousser des légumes et des fruits dans son jardin pour nous apporter nutriments, vitamines et diversité, le plus important est de faire pousser sa base de subsistance pour ne plus dépendre de systèmes globaux et fragiles, le plus souvent basés sur des céréales annuelles avec les conséquences désastreuses que l’on connaît sur la santé et les sols. De ce côté là la patate indienne excelle, puisqu’elle fournit une bonne base énergétique et contient jusqu’à 16% de protéines, soit trois fois plus que les pommes de terre. Elle a l’énorme avantage d’être consommable crue, contrairement à la pomme de terre ou aux céréales, ce qui peut s’avérer vital dans certaines situations. Elle offre aussi une saveur neutre — qui serait entre la pomme de terre, la cacahuète et la patate douce — ce qui est toujours un avantage pour une base alimentaire. Outre ses tubercules, elle peut aussi produire des haricots hautement protéiques, mais cette production serait assez erratique et dépendrait de la génétique (caractère diploïque), de la variété et du climat.

Sa culture au jardin est également très intéressante. C’est tout d’abord une légumineuse, qui peut utiliser l’azote présent abondamment dans l’air pour sa propre croissance. Elle peut donc pousser dans des sols relativement peu fertiles, et est très vigoureuse car elle génère son propre engrais en quelque sorte. Elle serait également capable de supporter des sols assez humides, là où il serait difficile de faire pousser d’autres plantes pérennes. Du côté, agronomique, elle a tout pour faire rêver le permaculteur. Elle fait donc partie des rares plantes vivaces comestibles fixatrices d’azote. Elle peut se multiplier de manière végétative (se cloner) facilement par les tubercules. Elle ne connaît pas de maladies ou parasites sérieux. Elle est assez rustique pour rester dans le sol le nombre d’années que l’on veut. Elle peut même devenir envahissante !

Elle a quelques défauts mineurs, mais ces défauts de culture sont autant de qualités pour une culture post-industrielle primitiviste ! En effet, les tubercules des variétés non sélectionnées peuvent être assez petits. De plus la patate indienne met quelques années avant de s’implanter et de devenir luxuriante. Autant d’inconvénients qui en font un mauvais candidat pour une exploitation industrielle, car c’est une vivace qui ne se prête pas à une culture annualisée comme la pomme de terre. L’énorme avantage de la patate indienne est que l’on peut la stocker dans le sol, et la déterrer pour consommation à n’importe quel moment de l’année. Elle ne se stocke pas bien en dehors du sol, telle quelle, à moins d’être maintenue humide (sinon elle meurt) et au froid (sinon elle germe), dans du sable ou du terreau par exemple. Elle n’offre donc pas les qualités exceptionnelles de stockage et de densité nutritionnelle des céréales, ce qui en fait un mauvais candidat non seulement pour l’industrie, mais aussi pour la civilisation qui a besoin de pouvoir stocker, distribuer, saisir, protéger et taxer la base de subsistance du peuple. Les patates indiennes ne peuvent pas être brûlées comme un champs de céréales ou saisies par une armée en campagne. Elles ne peuvent pas être taxées sur la base d’une quantité ou d’une superficie cultivée. Par contre n’importe qui peut aller déterrer des tubercules n’importe quand pour les manger ou commencer une culture ailleurs.
Les patates indiennes peuvent cependant être séchées et réduites en poudre ce qui permet de concentrer et stocker la nourriture comme c’est le cas pour les céréales. Cela permet d’avoir un stock facilement utilisable à disposition. Ce processus très simple à réaliser pour n’importe qui disposant d’un four ou d’un feu, mais n’est toujours pas industrialisable car la culture de la patate indienne ne peut pas être rationalisée pour les raisons évoquées précédemment.

Toutes ces caractéristiques en font une plante de choix pour un futur post-industriel, avec une production plus locale et décentralisée, intégrée dans des systèmes cultivés complexes, reproductible et mouvante, insaisissable.

Nouveau blog !

Voici le nouveau blog portant directement sur notre projet en permaculture :

 

Le chant des cerises, expériences de vie en permaculture.

 

Le blog est fonctionnel, il reste encore quelques coups de pinceaux à faire

Je continuerais d’utiliser le présent blog pour tout ce qui n’aura pas sa place sur le blog du chant des cerises, donc n’hésitez pas à repasser de temps en temps ou à laisser trainer le RSS dans vos aggrégateurs !

Une base de données de plantes pour la permaculture

Si vous voulez sélectionner des plantes suivant leur écologie ou leurs utilisations, la base de données Plant For A Future est faite pour vous ! Construite par un permaculteur, pour les permaculteurs, elle permet de savoir les besoins d’une plante en eau, soleil, sol, pollinisation ; les caractéristiques comme la hauteur, la largeur, la vitesse de pousse; les utilisations comestibles, médicinales, et autres (bois de construction, glue, couvre sol …), et tout pour la faire pousser (propagation, culture). Plus de 7000 plantes sont disponibles, et interrogeables par un moteur de recherche.

Mais le plus beau, c’est que cette base de données est diffusée sous licence libre, et que donc chacun peut l’utiliser et la modifier s’il en respecte les termes. Comme je trouvais le moteur de recherche très en deçà des possibilités de la base, j’ai commencé à créer une interface d’interrogation plus puissante pour mes besoins personnels.

Après une quantité d’heures phénoménales (c’est fou comme ça prend du temps ces choses là), j’ai modifié le programme pour le rendre public, modifiant la bidouille pour qu’elle soit utilisable par Mme Michu, en un clic (sur Windows), sans avoir besoin d’être connecté, et pouvant être copié sur une clef USB ou gravé sur un CD. Malheureusement la base de données et l’interface sont en anglais.

Lien vers le site de permaflorae

Si vous utilisez mon programme et que vous voulez donner une petite pièce, c’est pas de refus :)

Interface de recherche

Profile d’une plante

C’est pas permaculture ! (et ta soeur …)

Comme vous avez pu le constater ces derniers temps, le blog est en pause. Ceci entre autre parce que je prépare un autre blog centré sur notre projet (scoop!). Ce blog recueillera des billets plus personnels (mais toujours sur la perma et intéressant, j’espère).

Mise en pratique avec un coup de gueule contre les « milieux autorisés qui s’autorisent à penser »  la permaculture.

Quand on découvre la perma, on comprend rien (mais rien) à ce que ça peut bien être. Quand on a enfin compris, du coup, ça donne envie d’aller ramener sa fraise pour faire avancer la connaissance. Du coup ça donne, sur un certain espace de discussion français, le tiers des messages concernant la perma (qui doit représenter le quart des messages…) se résume à « c’est pas permaculture ».

C’est une réalité, la plupart des gens arrivent à la perma par le jardinage sur butes. So what ? Il y a des tas de bonnes choses que la perma peut apporter à des pavillons urbains (voir le DVD « urban permaculture », très inspirant), autant utiliser cette porte d’entrée plutot que faire la milice de la pensée perma…

D’ailleurs comment peut-on dire « c’est pas permaculture » ? Le vivant est si complexe que le contexte change tout. La culture hors-sol c’est-pas-perma, mais couplé à un système d’aquaculture intensif (surement-pas-perma-non-plus), ça donne l’aquaponie qui est bien vue dans le milieu. Que dire d’une technique de jardinage qui plantes des bêches à 60cm de profondeur, et qui laisse la terre à nue sans paillage ? Horreur-pas-perma, sauf que pour des raisons que j’évoquerai dans un futur article du futur blog (rescoop), cette méthode est la mieux indiquée chez nous…

Mais c’est pas fini, il y a aussi la police de la pensée du « c’est permaculture ». La permaculture c’est avant tout une éthique : trois lignes dans un pavé de 600 pages. La permaculture ce n’est pas que de l’agriculture : tous les livres parlent de faire pousser du vivant, si je veux aménager un terrain ou produire de la nourriture, je me tourne vers la perma. Si je veux construire une maison ou trouver un système d’éducation alternatif, je me tourne vers d’autres disciplines.

La perma, c’est aussi des solutions. Toutes faites. Quelque soit le problème: planter des arbres et ajouter de la paille/du brf. Même dans un potager engorgé, oui oui.