Citations

Histoire de microbes

Certains microbes, aussi, [bénéficient de la civilisation]. La civilisation a été un tel avantage pour de nombreux microbes qui se nourrissent des humains (en particulier d’humains stressés, dans des logements contigus), que j’ai lu des arguments convaincants selon lesquels ce sont les microbes, et non les humains, qui sont à l’origine des villes, qui dans cette perspective ne sont rien de plus que des parcs d’engraissement et des fermes industrielles. (Je me demande toujours s’il y a des activistes des « droits des humains » parmi les microbes, qui se plaignent des conditions de vie intolérables et « immicrobiennes » que les humains sont forcés d’endurer dans les villes : « il est normal de les manger, » disent ces activistes viraux, « mais il devraient vivre avec dignité avant tout ! »).

— Derrick Jensen, Endgame vol. 1, p. 192.

Besoin

Ne vous demandez pas ce dont le monde  a besoin. Demandez vous ce qui vous rend vivant. Et faites en sorte de le devenir. Car c’est de cela dont le monde a besoin : de personnes vivantes.  — Harold Whitman

Pour une douche chaude

Pointer le fait que la production de masse va à l’encontre de ce qui est nécessaire à une bonne culture et est incompatible avec notre survie à long terme ne veut pas dire que que je n’aime pas les douches chaudes, le baseball, les bons livres ou Beethoven. Je souhaiterais que les choses que nous produisons — les bonnes choses au moins — soient séparables du processus plus global : je souhaiterais que nous puissions avoir des douches chaudes sans construire de barrages ni de centrales nucléaires.

Dans une certaine mesure ceci est possible. Ca ne prendrait pas longtemps pour mettre en place un système pour chauffer l’eau sur mon poele à bois, et la verser dans un réservoir qui fait couler l’eau lorsque je tire sur une corde. Mais où trouverais-je le métal et le verre pour le poele ? Où trouverais-je la corde, ou le réservoir ? Où trouverais-je le bois ? Il semble que nous nous soyons mis nous-mêmes dans une impasse.

[…]
Vous pouvez dire que je suis fou de suggérer que les douches chaudes se basent sur les barrages, les centrales nucléaires, les bombes à hydrogène et le napalm. Moi je pense qu’il est encore plus fou d’avoir construit toutes ces choses si on peut avoir des douches chaudes sans elles.

— Derrick Jensen,A Language Older Than Words, p. 278-82

Pourquoi ?

Pourquoi avons-nous négligé des plantes qui répondent à tous nos besoins alimentaires — les arbres — en faveur du déboisement ? Mais pourquoi avons-nous semé du blé en abondance quand nous avions des forêts, qui, à valeur égale, surpasseraient toute récolte de blé, et donneraient une nourriture aussi bonne sinon meilleure ?
— Bill Mollison, conférence au Centre Rural d’Education Wilton, USA, 1981.

Le compte juste

Je veux une prise en compte complète, qui irait bien plus loin que ce qui est mort sur mon assiette. Je réclame de connaître tout ce qui est mort dans le processus, tout ce qui a été tué pour que cette nourriture se retrouve dans votre plat. C’est la question la plus radicale, et la seule question qui apportera la vérité. Combien de rivières ont été damées et asséchées, combien de prairies labourées, combien de forêts abattues, de terre arable devenue poussière ? Je veux savoir au sujet de toutes les espèces — pas juste les individus, mais les espèces entières — les saumons, les bisons, les bruants sauterelles, les loups gris. Et je veux plus que le nombre des morts et des disparus. Je veux qu’ils reviennent.

— Lierre Keith, The Vegetarian Myth. p.3.

Faire la connexion

La conception permaculturelle est la connexion entre des choses. Ce n’est pas l’eau, la poule ou l’arbre. C’est la manière dont l’eau, la poule et l’arbre sont connectés. C’est à l’opposé de ce qu’on nous a enseigné à l’école. L’éducation prend chaque chose, la pousse à part, et ne fait aucune connexion. La permaculture créé les connexions, car dès que vous avez créé une connexion, vous pouvez nourrir la poule avec l’arbre. — Bill Mollison

Puisque le travail est une si belle chose …

… qu’il faille le célébrer en l’interrompant. Petit extrait du livre que je viens d’ouvrir, et qui résonne en ce premier mai, et une pensée pour les anarchistes qui sont malheureusement à l’origine de cette fête.

L’amusement disparut lorsque les relations se précisèrent. Les envahisseurs avaient besoin de main-d’oeuvre sur les territoires qu’ils s’étaient attribués, et si les Indiens étaient prêts à céder une partie de leur terres d’assez bonne grâce, ils refusaient fermement de travailler. Les moines de l’ordre de Saint-Jérôme s’indignèrent : «Ils fuient les Espagnols, refusent de travailler sans rémunération, mais poussent la perversité jusqu’à faire don de leurs biens. Ils n’acceptent pas de rejeter leurs camarades à qui les Espagnols coupent leurs oreilles. […] Il vaut mieux pour les Indiens devenir des hommes esclaves que de rester des animaux libres.»

— Préface de Terre Sacrée, de Serge Bramly

Comment les arbres nous ont façonnés

Nous avons emprunté aux arbres leur verticalité ; c’est grâce à eux que nous sommes debout ; comment grimper a un arbre sans, d’abord, adopter pour notre corps une position verticale ? Notre verticalité est celle des arbres. La brachiation est, ou a été, pratiquée par tous les Homminidés. Outre quelle prédispose à la posture verticale et a la bipèdie au sol, elle se
traduit par une série d’adaptations anatomiques que nous avons conservées : membres antérieurs longs, articulation de l’épaule orientée vers le haut, omoplates dans le dos, cage thoracique large et peu profonde, pouce opposable, doigts effilés portant des ongles au lieu de griffes et dont la pulpe distale est d’une grande sensibilite.

La vie dans la canopee a laissé notre organisation physique porteuse de caractères que nous jugeons avantageux: des yeux rapprochés « en facade », donnant la perception du relief, un cerveau volumineux permettant le traitement rapide et sûr des informations nécessaires au deplacement en trois dimensions tout en restant suffisamment concentrés mentalement pour pallier les risques de chute.

Le rapprochement anatomique de nos yeux s’est fait au détriment de notre région nasale, d’où notre odorat peu développé ; mais il a eu le mérite de nous donner un véritable visage. La vie en société, instaurée initialement pour des raisons de sécurité, a été favorisée à la fois par le developpement de l’intelligence et par l’établissement de relations interpersonnelles rendues possibles par la reconnaissance des visages de ceux qui nous entourent. On sait l’importance du visage dans les mécanismes de la vie sociale.

La vision du relief a fait de nous, potentiellement, des chasseurs habiles à voir les mouvements. La prédation sur du gibier mobile, s’ajoutant à la consommation des ressources alimentaires fournies par les arbres, a fait de nous des omnivores, alignant des dents aux diverses fonctions, incisives, canines et molaires.

[…]

L’habitat canopéen a favorisé la vie diurne ; du coup, nous avons perdu le tapis refléchissant (tapetum lucidurn) que les autres mammifères, majoritairement nocturnes, possèdent au fond de leur rétine : dans la nuit, le faisceau d’une torche dirigé vers un être humain ne lui fait pas briller les yeux. En revanche, la vie diurne a favorisé les déplacements rapides dans le domaine vital, la vie en groupe et les interactions sociales complexes qui rendent possible l’instauration de la culture. Revenons au passage de l’horizontalité a la verticalité. II a nécessairement eu des conséquences sur la position des organes internes, du fait de la gravité, un facteur physique d’une telle permanence qu’il parait banal et que l’on tend à en perdre de vue les effets sur les êtres vivants. Ces modifications « gravitales » ont eté recensées ; les deux plus importantes seraient la descente du larynx et le basculement du bassin. La descente du larynx, en entrainant l’expansion du pharynx, a permis remission de sons articulés, dont nous avons besoin : ainsi est né notre langage. Le basculement du bassin a eu des conséquences plus importantes encore : supportant dorénavant le poids de la tête et de toute la partie antérieure du corps, le bassin est devenu a la fois plus court et plus large. De ce fait, l’accouchement est beaucoup plus difficile chez les bipèdes verticaux que chez les quadrupèdes horizontaux car il a lieu au travers d’une symphyse pelvienne osseuse dont les dimensions sont inextensibles : il s’agit d’une d’une sorte de « naissance avant terme », d’accouchement prématuré, d’où l’immaturité du cerveau à la naissance. Incapable de s’alimenter seul, le petit Homme aura besoin, pour survivre, du secours d’une mère, et il va passer ses premières années à exercer une fonction dans laquelle il excelle : apprendre. L’immaturité du cerveau à la naissance n’est done nullement un handicap, bien au contraire, puisque c’est là que se situe le propre de l’Homme, « son exceptionnelle capacité à apprendre ».

Au bilan, ne devons-nous pas reconnaitre que les arbres ont joué un rôle essentiel dans la mise en place de nos caracteristiques humaines, la verticalité qui libère les mains, la possession d’un visage et la vie en société, l’adoption d’un langage et une capacité d’apprentissage bien supérieure à celle des autres animaux ?

N’est-ce pas par la conjonction de ces caractéristiques qu’en deux cent mille ans, nous sommes passés de la pierre taillée a l’Internet et des cavernes aux voyages interplanétaires ? Ne devrions-nous pas, plutot que de renier les arbres, suivre l’exemple qu’ils nous offrent ? Silencieux et dignes, extraordinairement anciens et pourtant pleins d’avenir, beaux et utiles, autonomes et non violents, les arbres ne sont-ils pas les modèles dont nous avons besoin ?

— Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, p. 163